Suite à ma lettre, j'ai obtenu une réunion.
En face de moi, quatre maîtresses : la directrice, la maîtresse de ma fille, la maîtresse de l'enfant qui violente ma fille, et une maîtresse neutre qui prend des notes.
A côté de moi, un membre d'une association de parents d'élèves, neutre, qui est là pour écouter, et aussi pour agir en mon nom et aux noms d'autres parents dont les filles aussi subissent des violences.
Pendant une heure trente, nous allons parler d'un enfant de quatre ans qui brutalise des filles. Qui tape leurs tête contre les murs, qui les attrape par derrière, tire leurs cheveux, pince leurs bras, tape leurs jambes. Qui les menace verbalement, qui s'arrange pour qu'un autre enfant les tienne pour les taper tranquille, qui mets ses mains autour de leurs cous et serre. Je connais seulement son prénom, c'est à peine si je connais son visage. Je sais qu'il est beau et blond, je sais qu'il ne me regarde jamais dans les yeux, ne me vois pas, je ne fais pas partie de son monde.
Pendant une heure trente, les maîtresses vont expliquer ce qu'elles ont mis en place, les aménagements, la difficulté de gérer un enfant qui ne communique pas. Qui ne joue pas.
Qui ne sait pas jouer.
Pendant une heure trente, nous allons être face à quatre membres de l'Education Nationale prises dans un étaux. Elles, elles ont en face un inspecteur qui exige d'avoir un compte rendu de la réunion, mais qui refuse aussi de leur donner des moyens - humains, financier, humains surtout je crois - qui leur refuse des moyens, un soutien, quelque chose qui leur permette de faire face chaque jour.
Des femmes dépassées. La directrice avouera ne pas avoir fait de signalement particulier. Depuis la loi sur le handicap, elle a 36 élèves (sur 234) qui ont besoin de RASED, de maître E, de maître G (venu une seule fois en coup de vent cette année), d'AVS, d'éducateurs spécialisé.
Elle a signalé les 36. Elle a rempli son contrat. Après tout, la retraite, c'est pour juin. Et le gamin, dans 18 mois il passe en primaire. Une primaire surpeuplée (18 classes, plus de 450 élèves), avec un directeur débordé, qui attendra 5 ans qu'il passe au collège, etc...
Le gamin dont on parle, l'enfant qui brutalise ma fille, c'est presque un bébé encore. C'est un enfant en souffrance, une personne, qui a le droit à l'accompagnement dont il a besoin. Qui a le droit de grandir en confiance et de devenir un adulte équilibré, dans le respect de lui-même et dans le respect des femmes.
Les genoux m'en tremblent.
Après ces 90 minutes, nous partons. Consternés. Certes, les maîtresses font ce qu'elles peuvent, sans autre moyen que leur volonté et leur temps. Cela ne règle rien, cela n'empêche pas les dérapages, et surtout, l'enfant en question est désormais stigmatisé, il a une étiquette, un label, dont il est prisonnier sans même s'en rendre compte.
Le lendemain, j'apprends que, grâce à ma lettre jointe au dossier de l'enfant, il est pris en urgence pour une consulation pédopsy lundi. Il aura un diagnostic, les maîtresses vont pouvoir remplir les formulaires, faire les demande. Des demandes qu'il faudra soutenir, par manque de moyens, de moyens financiers, et de moyens humains.
Je réalise alors que je vis dans une société qui ne mise pas sur l'avenir, puisqu'elle ne mise pas financièrement sur l'éducation des générations qui suivent. Une bonne éducation, saine, sensée, utile, ça coute cher. Je réalise aussi que ma fille fait les frais d'une politique démagogique, par laquelle l'Etat s'est donné le beau rôle en obligeant l'accueil de tous les enfants à l'école, quelque soient leur problèmes, sans donner les moyens humains et financier aux écoles pour mener à bien et appliquer cette loi correctement. Et je comprends les parents qui, lassés par cette situation, se tournent vers le privé pour leurs enfants.
Les idéologies, c'est super.
Ma fille de 4 ans couverte de bleus, moins.